dimanche 20 novembre 2011

Back to Valpo

Mes quelques heures nauséeuses dans le bus depuis La Serena se terminent, et j'arrive enfin dans une ville fantastique, que je connais déjà et que j'adore, j'ai nommé Valparaiso. Après Buenos Aires, Salta, Cordoba, et San Pedro de Atacama, voilà un nouveau retour sur les traces de mon tour du monde. La planète a beau être trop grande pour être parcourue en une vie, c'est quand même un plaisir de revenir sur ses pas et revivre des souvenirs forts.




Ici aussi, à Valparaiso, j'ai trouvé un couchsurfer pour m'héberger. Victor vient me chercher au terminal de bus et m'emmène dans son appartement un peu excentré, sur les hauteurs. Je rencontre son colocataire Elias, et je sens tout de suite la buena onda qui règne chez eux. Victor et Elias accueillent un à deux voyageurs en permanence, et ils font vraiment ce qu'il faut pour que l'on se sente chez soi. Mais je ne réalise pas à quel point je suis bien tombé, pas encore.
Bien que ce nouveau voyage ait commencé depuis seulement deux semaines, j'ai déjà l'envie de l'arrêter bientôt et je pense à chercher du travail en Patagonie chilienne ou argentine. Je leur en parle et Elias me dit avoir des contacts à Valdivia, une ville étudiante très agréable à vivre, et à Pucon, haut-lieu du tourisme. Elias est ingénieur forestier, et le Chili compte un nombre incalculable de parcs nationaux, il a donc des contacts partout. Il me propose d'appeler ses différents amis, et je sens que ce n'est pas une promesse en l'air. Victor a l'intention de partir en France quelques mois, au moins pour apprendre le français et plus si affinités, il compte  donc sur moi dans les prochains jours pour l'aider à l'appeler le consulat et les instituts de langue. Voilà du couchsurfing qui permet non seulement de partager mais de se rendre des services extrêmement utiles.

En soirée on part se faire un resto, dans ce même quartier populaire qui m'avait presque fait peur en 2009 tellement il était mal famé. Il est toujours très populaire mais paraît beaucoup moins sale et miséreux qu'il ne l'était. Déjà ce matin en sortant du terminal, j'avais remarqué que la ville est beaucoup plus propre, et qu'elle dégage une image de pauvreté beaucoup moins forte. A voir si c'est au détriment de son âme. A mon premier passage j'avais trouvé que la magie de Valparaiso vient bien sûr de ses vieux quartiers colorés perchés sur les hauteurs mais aussi de son mélange spécial de pauvreté et saleté dans la partie basse, mélange qui lui donnait un supplément d'âme.
A la sortie du resto nous retrouvons Carola, une allemande qui loge aussi chez Victor et Elias, mais qui ne parle quasiment pas espagnol. Sachant que Victor et Elias ne parlent pas un mot d'anglais, ça ne rend pas la communication facile et je suis bon pour servir d'interprête permanent. Nous commençons un petit tour de Valparaiso by night, du moins la partie basse. C'est la moins belle mais celle qui vit vraiment, et je ne la connais quasiment pas. Direction un bar militant, très d'actualité en ces temps de révolte étudiante réprimée dans la violence. Victor nous en parle et nous révèle qu'il est assez impliqué dans ces mouvements, quand ses horaires de prof lui permettent d'être dans la rue.




Ils veulent tous poursuivre dans un bar réputé près du port, mais je résiste difficilement au sommeil à cause de ma dernière (non-)nuit. Sans hésiter ils me donnent la clé et m'expliquent comment rentrer chez eux en colectivo (sorte de taxi collectif qui suit des itinéraires définis, et aux tarifs très bas). Je n'en reviens pas, ils me connaissent depuis quelques heures au plus, et ils me font déjà confiance comme à n'importe quel ami de longue date. 

Le lendemain nous retournons, Carola, Victor et moi, au fameux bar militant aux murs tapissés de posters revendicatifs, pour déjeuner. Sur une bonne idée de Victor nous enchaînons avec un spectacle de clown dans un joli théâtre du vieux Valparaiso, et une visite de l'ancienne prison devenue centre culturel. Je la trouvais plus fascinante il y a deux ans quand un terrain vague servait de terrain de foot sous les barreaux des cellules, avec des grafitis le long des murs et un petit théâtre. Là c'est un peu trop propre, et un énorme bâtiment moderniste en béton a été construit pour accueillir les exhibitions, mais cela reste une belle reconversion. Nous enchaînons par une longue et belle balade dans les deux quartiers les plus connus et pittoresques de Valparaiso, le Cerro Alegre et le Cerro Concepcion, là où j'avais déjà marché pendant des heures en 2009, l'appareil photo en surchauffe et des étoiles dans les yeux devant une ville autant chargée d'âme, de beauté et d'histoire. Je ressens le même effet à nouveau, auquel s'ajoute le plaisir supplémentaire du retour sur les traces de mon tour du monde. En plus Victor connaît les deux Cerros quasiment comme sa poche, et nous fait découvrir des petits passages que je ne connaissais pas encore, et quelques-uns des plus beaux graffitis. C'est encore un ingrédient supplémentaire du cocktail magique de Valparaiso : des graffitis sublimes, très artistiques, et souvent politiquement engagés (à gauche forcément !).




Je ne me lasse pas de ces tours et détours incessants dans les ruelles, par les petits escaliers et passages cachés. Nous arrivons finalement sur la Plaza Sotomayor devant le port, où se prépare un festival Container. Nous approchons de l'été et les festivals vont bientôt fleurir à Valparaiso, des festivals de théâtre et de musique qui renforcent son statut de centre culturel du Chili.

Après à peine deux semaines de voyage, je me sens déjà un peu fatigué, et je profite de l'appartement de Victor et Elias les trois jours suivants sans me balader beaucoup. Je l'offre quand même deux longues balades supplémentaires dans mes rues préférées, cherchant les passages cachés qui m'auraient encore échappé, et les petites galeries d'art imprégnées de l'esprit de Valparaiso. Je constate qu'ils font de nombreux travaux sur le Cerro Concepcion, pour rénover les chaussées. Mon impression première, selon laquelle Valparaiso subit un lifting, était la bonne, j'espère qu'ils n'iront pas jusqu'à la rendre trop lisse par souci de développer le tourisme.

En descendant vers le centre, par une belle après-midi, j'arrive juste après une manifestation étudiante qui a dégénéré et a été réprimée, une de plus. Le gaz lacrymogène flotte dans l'air, le colectivo zigzague entre les morceaux de pierre sur le grand boulevard presque désert, on croise des étudiants courant d'une rue à l'autre pour fuir les blindés équipés de canons à eau qui les poursuivent. Les étudiants veulent la réforme du système éducatif très conservateur datant de l'ère Pinochet, un des maux qui expliquent probablement que le Chili est un pays très inégalitaire, avec une richesse très concentrée dans les mains d'une petite minorité de familles. Le pays se développe et s'enrichit, mais bien peu de chiliens en profitent.

Je profite un long moment du festival Container sur la Plaza Sotomayor, qui ressemble à un joyeux bordel d'artistes déjantés qui improvisent dans le non-sens le plus total. Ils sont installés dans une sorte de forteresse composée de containers empilés, et la forteresse semble représenter l'esprit de résistance à la société capitaliste, esprit que l'on ressent dans les manifestations étudiantes et dans les bars engagés comme celui où Victor nous emmène presque chaque jour.




La principale substance du festival se trouve dans les pièces de théatre qui sont jouées dans de simples containers répartis dans la ville, de simples containers de 2,5m de large sur 12m de long, oui c'est possible ! Je vais voir une première oeuvre "Al Azar", un monologue sur la marginalité urbaine. Pour cette oeuvre ils ont trouvé le moyen de disposer des mini -gradins à l'intérieur du container, donnant une salle de théâtre toute en longueur. Malheureusement je ne capte pas grand chose du texte, mais cela ne m'empêche pas de sentir toute la profondeur du texte et la qualité du jeu de l'actrice. Un autre soir je suis accompagné par Adriana, une colombienne qui vient d'arriver chez Victor et Elias, et nous allons voir une oeuvre française "Vive le Roi", du théâtre de Varembert en Normandie. La première originalité est que le comédien a appris l'espagnol juste avant pour pouvoir jouer à Valparaiso, ce qui donne un accent très marqué et assez amusant. La deuxième est qu'ils ont installé une seule rangée de  chaises dans la longueur du container, et que le comédien joue donc également dans toute la longueur, à moins d'un mètre de nous. Il est déconseillé d'étirer les jambes sous peine d'envahir toute la scène et de faire trébucher le comédien !
Histoire de faire le plein de culture, le soir suivant je vais voir une troisième pièce avec Victor et Carola, "La rébellion de personne". Le comédien est encore seul, et joue d'une façon sublime dans un décor fantastique qui tient dans la moitié du container. Il ne fait pas que jouer la comédie, il joue de la batterie avec une grosse caisse qu'il porte dans le dos, et aussi bien qu'un batteur de très haut niveau avec une vraie batterie.

Je suis à peu près rassasié de théâtre, ça fait du bien après le quasi-vide culturel subi à Salta. Et il serait tentant de rester plus longtemps chez Victor et Elias, tellement je m'y sens chez moi, mais je dois avancer. Le lendemain je prends congé de tout ce beau monde et je prends un bus de quelques heures pour Talca, un peu plus au sud. Le voyage est nauséeux, je dors avec un plomb dans la tête. Je n'arrive pas à expliquer cette fatigue que je traîne depuis de nombreuses semaines et qui n'est pas liée au voyage.

La veille j'ai eu l'agréable surprise de recevoir la réponse d'une couchsurfeuse à Talca, qui non seulement accepte de m'héberger mais aussi connaît bien le parc national tout proche où j'ai l'intention d'aller trekker. A l'arrivée je ne la vois pas au terminal, elle m'a laissé un email pour m'avertir qu'elle a dû partir d'urgence à Santiago. La chance tourne. Je dois chercher un hostal bien situé et pas trop cher, ou carrément prendre un bus vers l'entrée du parc national et y trouver un hébergement. C'est galère, je ne touve pas grand chose sur le web. Et bizarrement bien que Talca ne soit pas franchement une ville touristique, tout est plein. Je trouve in extremis une chambre dans un hostal assez central, au prix double de mes prix habituels. Le jour se termine déjà et je veux absolument trouver toute l'information nécessaire pour partir trekker le lendemain : transport, hébergement... Je fais un tour en ville pour dîner, la place centrale est belle mais presque déserte, seule une rue paraît vraiment commerçante et j'y trouve difficilement un resto décent. Je ne dois vraiment pas moisir ici plus d'une nuit, d'autant plus avec le prix que je paye pour dormir, mais je n'arrive pas à trouver l'info précise et utile pour organiser mon trek.

Je discute un instant avec Elias sur Facebook, et je lui ai à peine expliqué ma malchance qu'il a déjà appelé Patricio un de ses amis à Talca pour lui demander de m'héberger, ce que cet ami accepte immédiatement sans se poser de question ! Je l'appelle le lendemain et il passe me chercher, il m'ouvre grand les portes de sa petite maison sans savoir rien de moi, sinon que je suis un ami récent d'Elias. Chaque jour qui passe me laisse apprécier davantage la gentillesse des chiliens, alors que ces chers argentins les décrivent comme  plus froids et étroits d'esprit (ils adorent les critiquer, sûrement par jalousie liée au développement économique chilien, et sans aucun doute par rancune liée à la guerre des Malouines). Patricio me fait découvrir Talca et ses coins animés, les quartiers abîmés par le terrible tremblement de terre de 2010, un superbe point de vue en hauteur, et un restaurant populaire en bord de rivière où l'on mange . Je suis un peu rassuré sur Talca et son activité, mais je ne vois aucune raison d'y rester, et Patricio ne sait pas me renseigner sur le Parc National. Mais en y réfléchissant bien, et en lisant entre les lignes du Lonely Planet, je devine que la beauté de ce Parc doit être bien modeste par rapport à ce qui m'attend plus au sud. Et mon budget file vite au Chili, pays qui n'est pas franchement bon marché par rapport au reste de l'Amérique du Sud.
Donc je reprends la route le lendemain, aidé jusqu'au bout par Patricio pour trouver la bonne compagnie et le meilleur prix. Talca ne restera pas comme un grand souvenir de voyage mais m'aura définitivement convaincu de la "buena onda" des chiliens.

Rendez-vous plus au sud, pour le début du festin de nature et de beauté !
.

2 commentaires:

  1. Hello Nico,

    Content de voir que tout va bien !
    J'ai vu qu'il ya eu quelques secousses sismsiques dans la région de Valparaiso mais tu n'y étais sans doute plus
    As tu ressenti qqchose ?
    @+

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  2. Je ne m'en rappelle même pas, je pense que j'étais déjà dans le sud. Mais ici on s'en soucie à partir de force 6, en dessous c'est très banal !

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