mardi 15 février 2011

Primeras semanas

J’arrive à Salta par un samedi venteux de fin janvier, après 22h de bus dont un bonus exceptionnel de 3h pour cause de panne dès le départ. Quand on aime on ne compte pas.
J’ai un peu profité des paysages depuis le matin, depuis mon réveil dans la triste périphérie de Tucuman. Dans les derniers kilomètres, l’excitation de retrouver Salta fut nuancée par l’étonnement de ne pas bien reconnaître les lieux : j’avais souvenir d’un paysage très  sec, je ne vois que des collines très vertes. Et je ne retrouve mon orientation que dans les tous derniers instants, lorsque le bus descend sur le flanc du Cerro San Bernardo, déroulant une belle vue en hauteur sur Salta. Impression spéciale de revenir sur les pas du Tour du Monde, et petite émotion en redécouvrant la ville où je vais m’installer, dont je ne connais pas grand-chose en fait.
Je n’ai que quelques centaines de mètres à marcher avec mes 50kgs de bagages, jusqu’à l’appartement. Comme depuis  quelques jours je regarde beaucoup les gens, me souvenant qu’ici l’influence de la proche Bolivie se voit sur les visages, des faciès andins qui n’ont rien à voir avec les nombreux visages blancs que l’on voit à Buenos Aires, la différence est saisissante.
Audrey m’accueille dans mon nouveau chez-moi et me fait le tour du propriétaire : ce n’est pas le grand confort mais plutôt gai. Ma chambre aussi a le strict minimum, elle est assez rustique, mais ça me va. Et j’ai quand même une vue directe sur le Cerro San Bernardo, avec le téléphérique qui passe quasiment au-dessus de la maison. La petite cerise sur le carrelage usé …
Le temps de faire une petite sieste et de rencontrer tous les colocs, la soirée s’annonce déjà chargée avec deux anniversaires à la suite. Je suis impressionné par le nombre de français que je rencontre ! Pour ce qui est des argentins qu’on me présente, la discussion n’est pas facile. Je mesure mieux comme mon niveau d’espagnol est faible, et l’accent argentin touffu. En plus des « che » qui remplacent les « ye », j’ai l’impression de n’entendre que des voyelles, les consonnes sont mangées !
Malgré mon intense fatigue accumulée dans les dernières semaines en France, pendant mon vol insomniaque et à Buenos Aires, cette première soirée m’a pris juste après l’arrivée et m’a emmené jusqu’à très tard, et m’a déjà fait connaître l’essentiel des gens que je vais côtoyer. Et m’a donné un aperçu du rythme que je vais suivre pendant les 2-3 semaines : des fiestas, des anniversaires, des soirées tango qui vont s’ajouter au rythme argentin, selon lequel 22h est tout juste le début de soirée. On y ajoute mon grand retour dans le monde du travail, seulement 3 jours après mon arrivée, et des horaires originaux 9-13 / 17-21, et le tout donne des premières semaines « salteniennes » plus mouvementées que tout ce que j’aurais pu imaginer.
Côté coloc’, l'ambiance est "buena onda". Nous sommes 5 dans l'appartement : 2 françaises, un argentin, une argentine et moi. Audrey, une des deux françaises, bosse dans la même agence que moi., on mange souvent ensemble à midi et le soir, nous n’avons pas chacun notre étage dans le frigo ...
Pour ce qui est du confort, si je devais comparer à mon confort en France, je pourrais tirer la tronche, mais en l'occurrence non parce que je m'en fous. Je ne suis pas venu pour recréer le même schéma qu'en France. J'ai un lit, un placard très minimaliste, j'ai dû ajouter une pauvre table de jardin, le carrelage est vieux et abîmé, la fenêtre menace de lâcher quand je l'ouvre ...
J'ai la grande chance d'avoir trouvé une coloc' (c'est difficile ici), de poser mes sacs dans un appartement meublé (bien que très modestement). Et je mesure à quel point mon arrivée aurait été plus laborieuse et plus solitaire si j'avais dû prendre une chambre ou un studio tout seul.

On parle essentiellement espagnol à l'appartement, même entre français, et ça ne me fait pas de mal, même si j'ai souvent l'impression d'être le boulet qui n'est jamais au courant de rien parce que je ne capte que des mots par-ci par-là mais rarement le sens exact et complet de ce qui se dit. Finalement une colocation bilingue c'est l'idéal, Audrey et Céline me traduisent beaucoup, m'aident à trouver les mots, et m'offrent un peu de relâchement cérébral en français quand j'en ai marre de faire des efforts énormes pour dire des choses toutes simples.  En contrepartie je dois me faire violence pour ne pas trop céder à la facilité de parler français, idem avec tout le cercle de français qui vit à Salta et qu'on voit souvent.
Enfin en 2 semaines je sens déjà des progrès alors que je n'ai pas eu le courage d'ouvrir ma méthode Assimil une seule fois. Ayé le passé simple coule dans mes veines !! Enfin seulement les verbes réguliers, donc à peine la moitié des verbes de mon dictionnaire cérébral encore bien désert ... eh oh faut pas pousser non plus !
Les week-ends sont toujours improvisés en dernière minute, mais toujours bien occupés, entre les après-midis dans les charmants villages alentour, et les petites occases de sortie qui se déclarent à l'improviste.
Ce samedi nous sommes allés au "desentierro del carnaval" (déterrement) dans un petit village : têtes et fringues mouillées et maculées de farine, mousse et peinture, et danses traditionnelles à n'en plus finir dans une pure ambiance sud-américaine et totalement authentique. Les prochains week-ends seront sûrement consacrés à écumer les fêtes de carnaval dans les villages et à Salta, jusqu'à l'enterrement du carnaval début mars.
A côté de ça je commence à planifier mes futurs petits voyages de week-end dans la région, en salivant forcément. "Par chance" je n'avais rien exploré à mon passage en 2009 et j'ai donc tout à voir, le destin a encore tout arrangé comme il faut …

mardi 8 février 2011

Découverte, découverte ...

Léger retour en arrière :
le 24 janvier entre 20h et 22h, à l´aéroport de Rome, j´attends d´embarquer pour mon second vol vers Buenos Aires. La salle d´embarquement se remplit doucement, quasi-exclusivement des argentins bien sûr.

J´observe les gens autour de moi : leur faciès, leur style, leur comportement, leur façon de parler ... Je réalise qu´ils sont plus ou moins représentatifs des gens que je vais cotoyer au quotidien à partir de demain. Enfin représentatifs ... du point de vue très subjectif du français que je suis et qui connait encore bien mal l´Argentine, peut-être oui. Mais les voyageurs que l´on croise dans une salle d´embarquement sont-ils un échantillon modèle de leur pays ? Sûrement pas. Quand on se retrouve entouré de français dans une salle d´embarquement à Roissy ou à l´étranger, ou dans un lieu public, il n´est pas forcément évident de tous les apprécier a priori, ni de se reconnaître en eux. Les origines, géographique et sociale entre autres, sont là pour créer des différences énormes. Et chaque individu est différent (´core heureux !).

Bref ça n´a aucun sens de vouloir jauger les argentins au travers de l´échantillon que j´ai ici sous les yeux, mais je les observe quand même en réalisant que ce sont mes nouveaux voisins (cela paraît peut-être un peu tard pour réaliser cela mais rien n´est concret avant le vrai départ). Et les argentins me paraissent encore plus divers que les français, par leurs styles et leurs couleurs de peau. J´ai un souvenir plus ou moins précis de l´avoir constaté en 2009, mais je n´avais passé que 7 semaines en Argentine. Et comme voyageur on est rarement dans la "vraie vie", je n'avais donc pas bien cerné l'argentin moyen, s'il existe. C'est le début d'un long apprentissage ...

Et je n´ai pas fini d´apprécier cette variété, puisque de Buenos Aires à Salta, je vais passer de la grande capitale très influencée par l´Europe à une ville totalement liée au Andes, marquée par la proche Bolivie au niveau des visages.

Le lendemain, dans le taxi qui m´emmène de l´aéroport Ezeiza vers le centre de BsAs, j´ouvre grand les yeux pour (re-)découvrir à quoi ressemble l´Argentine, bien que les abords d´un aéroport soient tout sauf une vitrine réaliste d´un pays. Et je suis à nouveau étonné à de voir quel point la richesse cotoie la pauvreté et la précarité. Le premier signe visible, ce sont les voitures,  la moitié neuves et modernes, et l´autre moitié de vieux tas de tôles, souvent de vieux modèles Renault et Peugeot que l´on n´a plus vus chez nous depuis très longtemps, ou de vieilles américaines.




Ce contraste de richesse est souvent d'autant plus flagrant que le pays est pauvre, mais dans un pays comme l'Argentine, qui présente tous les signes évidents d'un bon développement, et que l'on classe volontiers dans le "deuxième monde" (c'est-à-dire quelque part entre le tiers-monde et les pays riches), cette ambiguité surprend toujours.

J'arrête les retours en arrière et j'avance un peu ...
Je passe 3 jours à Buenos Aires, ville que j'ai a-do-rée lors de mon premier passage en 2009. Je suis accueilli par Cintia, une porteña que j'avais rencontrée au Laos il y a presque un an. Un plaisir indescriptible que de retrouver des amis de voyage. Pendant ces 3 jours je passe mon temps à faire la navette entre chez elle et l'appartement de Josh, new-yorkais rencontré en Equateur, ma première excellente rencontre de voyage en fait, et qui a posé ses bagages à Buenos Aires après presque 2 ans de vadrouille sur le continent latino.

Pendant 3 jours je revois essentiellement des lieux et quartiers que j'adore, et je fais souvent la navette entre l'appartement de Cintia et celui de Josh. Leurs deux quartiers sont voisins, très proches sur une carte, mais je passe à chaque fois un temps indescriptible en taxi ou en bus, et je comprends que Buenos Aires est d'une taille inimaginable, qu'on ne la voit jamais bien dans son ensemble, et qu'il n'aurait peut-être pas été facile de s'y creuser son trou. J'ai donc l'impression immédiate que j'ai bien fait de choisir Salta, ville beaucoup plus facile à cerner pour me lancer dans "mi nueva vida argentina".




Justement il est temps de partir pour Salta, on s'y retrouve après 22 minuscules heures de bus ... une broutille comparée aux jours, aux mois et peut-être aux années que je vais y passer ... de découverte en découverte.

¡ Hasta luego !
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mardi 1 février 2011

(Courte) histoire d’un nouveau départ

24 mars 2011, 16h00 à Roissy. J’attends sereinement mon vol intermédiaire vers Rome, qui sera suivi du vol vraiment désiré, vers Buenos Aires. 
7 mois que je n’avais pas refait mon sac, depuis mon retour de tour du monde en juin dernier ( http://nico-autourdumonde.blogspot.com ). 7 longs mois au début desquels le plaisir de retrouver famille et amis (et le fromage) laissa vite la place à l’ennui, l’inaction, l’indécision, l’absence d’envies, un peu d’inquiétude, et autres sentiments pas très positifs.
En préparant mon tour du monde, je savais que le retour serait difficile, mais pour autant pas question d’y renoncer. A trop craindre le futur, on oublie de vivre au présent. Sur ce point je me suis fait une philosophie, largement illustrée depuis. Mais cette intuition/évidence de la difficulté du retour était abstraite, je me contentais de penser qu’il serait dur de retrouver le chemin du boulot après un an de vadrouille entièrement orientée vers mon plaisir et la découverte ( des cultures surtout, et de moi-même un petit peu). En fait je me suis retrouvé dans une situation assez différente de la majorité des tiers-mondistes qui rentrent au bercail. La plupart de ceux que j’ai rencontrés sont rentrés avec un compte en banque assez vide, obligés de retourner chez papa-maman quelque temps, sans voiture. Mais ils ont vite repris leur ancien boulot ou un autre boulot, et ne sont pas laissé le temps de gamberger, enfin pas trop.

Pour ma part, dès mon retour j’ai retrouvé mon appartement libéré de son locataire, ma voiture gardée au chaud pendant un an, et aucun problème financier puisque je reprenais les allocations chômage là où je les avais laissées. Matériellement parlant on ne peut pas rêver retour plus confortable. Il restait juste à retrouver le chemin du boulot … et c’était bien là le problème, savoir ce que j’allais faire maintenant. Lorsque l´on quitte son boulot de façon imprévue mais finalement bienvenue, que l’on commence à être fâché avec un certain système, ce n’est pas un an de voyage qui réconcilie avec ce boulot. On n’imagine pas une seconde (de tenter) d’y retourner. On ne sent pas la force de jouer le jeu, ne serait-ce que pendant le processus d’embauche.
Et pourtant pendant tout le tour du monde j’avais réfléchi à ce que je pourrais faire après, sans vraiment trouver. Non, en fait je m’étais surtout posé la question, dans chaque lieu que je traversais : « Pourrais-je m’expatrier ici, vivre ici quelque temps ? », repoussant la question du travail au second plan. Sur cette question, l’exotisme du lieu et l’excitation du changement le disputaient toujours à la peur de m’y ennuyer au bout de quelque temps. Et puis très vite, sur ma route, j’entends parler de l’Argentine. Ça tombe bien, je l’avais placé sur mon vague itinéraire de voyage, mais sans rien en savoir. Des voyageurs à qui j’explique que je suis en quête d’une future cible d’expatriation me suggèrent que l’Argentine pourrait être celle-ci. J’y fonce, traversant trop vite la fabuleuse Bolivie, la tête pleine de préjugés positifs, prêt à voir la vie en rose au pays des gauchos. Et effectivement je tombe vite sous le charme de ce pays aux paysages incroyables, aux gens sympas, pragmatiques et positifs malgré leurs problèmes, à la culture riche, à la gastronomie digne des papilles exigeantes d’un frenchie très gourmand. Un pays qui me semble le compromis parfait entre exotisme/magie d’un côté, et niveau de développement très correct de l’autre (à l’inverse d’autres pays qui m’ont fait fondre de bonheur mais où je n’aurais pas pu vivre). Je suis conscient qu’en tant que voyageur, je ne perce pas le visage exact de ce pays, les avantages et difficultés d’une vie au quotidien. Bref je ne suis pas du tout objectif. Mais tout de même j’y passe le plus long séjour de mon voyage, et je garde l’idée en tête pendant les mois suivants.

14 juin 2010, il fait déjà nuit. Après un dernier curry avalé sur le trottoir, je prends un dernier taxi bien négocié à Bangkok, direction l’aéroport, pour le dernier vol qui m’emmène à Londres, d’où il me reste un saut de puce à faire pour rentrer « à m’baraque ». A part retrouver tous ceux que j’aime,  pas vraiment de plaisir à retrouver la France (sauf le fromage et ma carte de ciné). Ni chaud ni froid quand j’entre dans Lille, ni quand je refais un pas dans mon appartement. Il y a là un message évident ...
Suivent deux mois de repos physique et mental pendant l’été, puis le début d’une forme de léthargie, d’inactivité, d’absence totale de volonté pour chercher quelque boulot que ce soit. Je n’oublie pas l’Argentine, et prends la résolution de travailler mon espagnol, mais je veux me donner du temps avant de refaire éventuellement mon sac, et je ne m’avoue qu’à moitié que la décision me fait quand même un peu peur. L’argument positif en contrepartie étant : avec le tour du monde j’ai déjà pris une décision forte, continuons sur cette lancée. Pas si simple … l’argument contre étant cette peur que la société aime distiller pour nous ramener dans le droit chemin travail-consommation-stabilité-sédentarité (sans oublier d’acheter le labrador assorti à la voiture).

Le temps passe vite, rythmé par au moins une séance de cinéma par jour, le théâtre, et autres petites réjouissances sociales et culturelles qui ne masquent pas mon absence de direction et de projets, et ma lassitude de vivre à Lille alors que j’aime cette ville.  Me voilà arrivé fin novembre, avec un moral pas au mieux, conscient qu’il faut bouger mais pas fichu de le faire. Je me décide à partir en Argentine, tout en tergiversant intérieurement parce que la décision n’est pas mince. J’hésite à partir en Argentine pour faire n’importe quel boulot, ou en Nouvelle-Zélande pour poursuivre dans l’informatique, ou à Taiwan pour être prof d’anglais. L’art du grand écart.
Aidé par le petit mot d’une amie (« Bouge-toi ! », comme quoi il ne m’en fallait pas beaucoup, les raisons de la fainéantise humaine sont insondables), je me décide pour l’Argentine, mais  à tout hasard je  tente ma chance à distance auprès des agences de tourisme françaises basées en Argentine. Il me faut à peine 2 heures pour refaire un CV adapté, et l’envoyer aux premières adresses trouvées sur le web. Je ne reçois pas de réponse de celles que je convoite le plus, mais deux jours après une agence moins en vue manifeste son intérêt. Deux longs entretiens par téléphone, quelques échanges supplémentaires par mail, et le 11 décembre je reçois la proposition d’embauche. La chance continue à me suivre, et le mouvement est engagé, je suis décidé à partir.

Vendre tous mes meubles et différentes affaires, vendre la voiture , me débarrasser de tout le superflu sans valeur, trouver un locataire, faire une petite fête de départ, déménager ce qui reste chez les parents … les 6 semaines qui me restent sont chargées .
Mais j’y arrive et me voilà devant le comptoir d’enregistrement à Roissy. Le steward me demande gentiment si j’ai un vol retour, et insinue quelques instants qu’il pourrait me refuser l’embarquement pour éviter une amende à la compagnie au cas où je serais refoulé par la douane argentine parce que justement je n’ai pas de vol retour. Il finit par m’accepter mais m’offre l’occasion de gamberger pendant le vol, sur la version que je donnerai à la douane. J’ai le choix entre dire la vérité sur ma prochaine régularisation, ou mentir et dire que je quitterai l’Argentine par la route pour voyager. Il faut dire que j’y vais avec un visa touriste dans le but de travailler et d’être régularisé, ce qui est évidemment interdit mais très courant pour tous ceux qui tentent l’aventure argentine.
25 janvier, 8h00, atterrissage à Buenos Aires après un long vol sans sommeil. Ce steward courtois mais ignorant m’aura stressé pour rien, le passage à la douane est une formalité. Les portes d’un nouveau pays s’ouvrent à moi, le pays de mon nouveau départ !
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