Je suis confortablement installé dans mon bus pour 19 longues heures vers ma seconde étape, La Serena, dans la région qu'ils appellent Norte Chico (le Petit Nord), à quelques heures au nord de Santiago. Je tombe rapidement en plein sommeil, aidé par le film débilissime qu'ils nous passent comme d'habitude, et je suis réveillé au bout de 3 heures par l'arrêt du bus et le mouvement de nombreux passagers. Cool, pas mal d'entre eux descendent ici, on va avoir de la place ! C'est ce que je pense jusqu'à ce que tout le monde descende et que je comprenne que l'on passe un contrôle douanier, fixe et systématique. Sauf que l'on est au milieu du pays. Il est minuit et il faut sortir tous les sacs, les passer au scanner, attendent que le bus nous laisse recharger. Je connaissais les contrôles pointilleux à l'entrée du Chili mais au milieu du pays c'est une nouveauté.
La nuit passe tant bien que mal et j'émerge au petit matin. Après 12 heures de route le paysage n'a toujours pas changé, désertique. Nous roulons toujours sur une mince bande de terre coincée entre la Cordillère côtière et l'océan, au milieu des rochers et du sable et dans une absence totale de vie végétale. On a beau le voir sur une carte, la géographie du pays apparaît vraiment particulière : une longue bande étroite dont une bonne partie est occupée par deux cordillères et un désert gigantesque. A propos d’étroitesse, les argentins ont une blague assez bien trouvée sur les chiliens (bien que pas forcément vraie) : les chiliens auraient l’esprit étroit que leur pays. Chiliens et argentins ne sont pas les meilleurs voisins du monde et on m’a récemment expliqué que le Chili n’avait de relation vraiment bonne avec aucun de ses voisins !
Les yeux encore tout collés par le réveil récent, nous avons droit à un arrêt dans la petite ville de Charañal, triste, aux tons gris et bruns appesantis par le ciel lourd et humide. Les maisons sont des baraquements, la plage côtoie l'usine. Trois heures plus tard nous nous écartons de la côte et roulons entre deux chaines de montagnes, plus petites et sableuses, la végétation réapparaît progressivement, nous sortons finalement du désert d'Atacama. Encore un peu plus tard, en passant la ville de Copiapo que j'ai finalement écartée de mes réjouissances, le paysage évolue en montagnes plus douces et petites, avec d'étonnantes étendues roses.
J'arrive finalement à La Serena, où je suis chaleureusement accueillie chez Cecilia, étudiante de 23 ans. J'ai décidé de changer un peu ma façon de voyager, et d'utiliser au maximum le réseau Couchsurfing qui permet d'être hébergé ou d'héberger soi-même des voyageurs. Mon premier objectif est de rencontrer davantage les locaux que les autres voyageurs à chaque étape. Mon tour du monde passé essentiellement dans les hostals m'a laissé énormément de bons amis de voyage, dont certains que j'ai revus et d'autres que j'espère revoir, mais ils étaient quasiment tous de jeunes voyageurs occidentaux et surtout européens. De bons amis donc mais trop semblables à moi pour permettre un vrai échange culturel. Là je suis au Chili et je veux rencontrer des chiliens !
Cecilia m'accueille dans sa petite maison qu'elle habite seule, chose très inhabituelle au Chili pour une fille célibataire de son âge. Bien que ce pays se modernise et s'internationalise, le mode de vie en famille reste traditionnel : on reste chez ses parents tant qu'on ne se marie pas, jusqu'à plus de 30 ans si nécessaire. C'est au moins aussi vrai en Argentine et c'est un contraste énorme avec notre société où l'on quitte ses parents dès que l'on devient indépendant financièrement, que l'on soit célibataire ou en couple.
Cecilia reçoit des couchsurfeurs depuis peu, mais elle a en déjà bien adopté l'esprit en offrant une totale hospitalité. Malgré la fatigue je vais faire un rapide tour en ville sous un temps hivernal, et en soirée Cecilia me fait découvrir des bars à étudiants, à base de tables rustiques et de bière pas chère, histoire de faire plus connaissance et de parler de tout et de rien. Je commence à réellement découvrir l'espagnol du Chili, avec son débit de mitraillette, ses mots inventés, et sa prononciation un peu particulière. J'avoue que je dois me concentrer pour bien la comprendre ...
Le lendemain est un dimanche toujours aussi gris et froid. Cecilia me propose d'aller chercher le soleil plus haut dans les montagnes, en me faisant découvrir la Vallée Elqui, réputée pour sa beauté, sa douceur de vivre, et surtout des vignes dédiées à la production de pisco, l'alcool roi au Chili et au Pérou. Si on ajoute les observatoires astronomiques et une certaine "ambiance cosmique" en connexion avec les astres, ça fait beaucoup de raisons d'aller s'y promener et c'est justement la raison de mon arrêt à La Serena. Nous montons en bus jusqu’au village au nom prédestiné de Pisco Elqui, avec l’intention de redescendre en stop de village en village. Le stop ne marche pas fort alors nous enchaînons les petits villages paisibles, écrasés par le soleil, aux vieilles et belles maisons, séparés par des kilomètres de vignes qui grimpent très haut sur les flancs des montagnes. Pisco Elqui, Monte Grande, et Vicuña. Nous redescendons tout confort, en voiture avec des amis de Cecilia. Je passe une soirée tranquille chez Cécilia, à parler de tout et de rien et à rigoler des double sens involontaires créés par mes maladresses en espagnol.
Le lendemain je pars explorer les plages par un vrai temps d’hiver ciel lourd et gris, je ne suis plus habitué à un tel froid depuis longtemps. En chemin je m’arrête au Mercado pour m’offrir un plat de fruits de mer, et un serveur m’aborde pour me proposer sa carte. Il parle un peu français et c’est clairement un avantage, vu le nombre de touristes français en Argentine et au Chili. Il interprète le manque d’ouverture des français aux langues étrangères (là c’est un euphémisme choisi expressément par moi pour éviter d’être plus critique …) comme une forme de nationalisme, et il apprécie cela. Je ne partage pas son approbation mais je ne suis pas très étonné, les chiliens ayant eux-mêmes un esprit nationaliste assez fort. Un ami de Salta m’expliquait que ce serait principalement pour cette raison qu’il respectent les règles au quotidien. Par exemple on ne peut pas acheter le moindre petit bonbon dans une petite boutique familiale sans recevoir le ticket de caisse, le commerce au black ne semble pas exister ce qui est ahurissant sur ce continent. Idem avec la police, elle est très présente sur la route et les chiliens respectent le code de la route. Ce respect des règles serait dû, à leur mentalité certes, mais aussi à une volonté de faire grandir leur pays. Mission réussie. Le grand voisin argentin, qui a au moins autant d’atouts, paraît bien immature et faible économiquement.
Je marche des heures pour aller à la plage, admirer les surfeurs qui bravent les eaux froides sous le ciel gris, et revenir en ville.
Rien de très emballant. La Serena a bien peu à offrir, mais je suis décidé à retourner dans la vallée Elqui, trop vite survolée avec Cécilia la veille. Je reprends donc le bus dès le lendemain, avec toutes mes affaires cette fois puisque je veux y passer quelques nuits. Je m’installe dans un petit hostal enchanteur, à vocation écologique, dans le divin petit village de Pisco Elqui. Nous sommes en pleine saison basse, le village est assez vide ainsi que l’hostal, mais je rencontre quand même Manuela, jeune suisse en voyage pour un mois. Je passe 3 jours de dolce vita à Pisco Elqui, entre longue balade en VTT sous le cagnard, soirée très alcoolisée dans l’unique bar El Rumor, glandouille dans le délicieux jardin de l’hostal, inlassables promenades-photos dans le beau village, visite d’une distillerie de Pisco… La vallée Elqui est un vrai bonheur, renforcé par la gentillesse des gens du village qui saluent aussi gentiment les touristes étrangers que leurs voisins.
L’hostal Triskel me donne des petites idées, l’envie de développer un hostal de qualité pour backpackers à l’identité forte. J’y avais déjà pensé pendant mon tour du monde, et partagé la même idée avec d’autres backpackers (qui chacun sont sûrs de connaître tous les détails qui font l’hostal parfait, à force de les fréquenter. Mais j’avais vite rejeté l’idée, pensant que ça peut être lassant à terme, très routinier. Et finalement j’y reviens, c’est probablement une bonne façons de rester au contact du voyage tout en travaillant, à part en étant guide bien sûr mais c’est loin d’être un boulot de rêve dans la plupart des cas. Bref, j’y reviens. Un jour, dans je ne sais quel pays …
Il faut bien se décider à partir, je redescends à La Serena et à la faveur d’un bus raté en soirée, je suis invité à une fête d’anniversaire chez Cécilia, avec ses amis. La soirée est TRES bonne. Rentré à 4 heures du mat’ avec un mélange de Pisco, bière, vodka et vin rouge dans le sang. Levé à 7 heures pour attraper mon bus vers Valparaiso, pour finalement l’attendre 2 heures, assis tout vaseux à l’extérieur du terminal. Les 6 heures de voyage sont longues et nauséeuses, heureusement mon objectif est à la fois une ville splendide et un retour sur mes traces de tour du monde.
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Coucou Nico,
RépondreSupprimerJe suis venue enfin faire un saut sur ton blog !! Pas été foutue d'avoir le temps le 21, alors que toute la journée, j'ai pensé à venir te souhaiter un bon anniversaire !! Voilà qui est fait avec du retard... ça doit te sembler loin déjà...
J'espère que tu vas bien !? J'essaye de revenir prochainement !
Des bises & une belle fin d'année à toi.
hola Céline, merci beaucoup !
RépondreSupprimermoi aussi je dois revenir au blog, il est comme coincé en voyage !
muchos besos !!