samedi 20 août 2011

Bons et mauvais points

Plus de 6 mois que je suis là, et je n’ai finalement pas beaucoup décrit le pays, les gens, la façon de vivre. Petit passage en revue des bons et mauvais points qui m’ont frappé depuis que je vis ici …
Les argentins sont réputés pour être très chaleureux, conviviaux, ouverts … et c’est vrai ! Ça saute beaucoup moins aux yeux à Buenos Aires, où l’on tombe une fois sur deux des gens … qui auraient toute leur place à Paris. J’ai été frappé par ça à mon retour en Argentine, ce que j’appelle le syndrome du serveur de café parisien. La courtoisie envers les étrangers, et avec tout le monde en général, est parfois contrastée par une indifférence taciturne. Autant l’argentin moyen est clairement plus chaleureux que le français moyen, il n’y a pas photo, autant quand il se montre froid, il l’est souvent plus que le français, enfin selon ce que j’ai vu.
Leur convivialité se retrouve dans leurs habitudes, et notamment dans la tradition sociale sacrée qu’est le maté. C’est une herbe qu’on infuse dans un pot à maté, et que l’on boit avec une sorte de petite paille métallique appelée bombilla (avec l’accent argentin prononcez bombija ou bombicha). Qu’on le partage en famille pour entre amis, il n’y a qu’un seul maté et une seule bombilla, qu’une personne remplit d’eau chaude grâce à un thermos et passe à chacun. On ne se pose pas la question si on fait bien de partager la même bombilla, ce serait juste impensable d’en avoir deux. Certains en boivent aussi seul, au boulot et à longueur de journée, mais c’est le partager à plusieurs, qui le rend meilleur, sucré ou amer.
L’autre grand moment de convivialité dans la vie argentine, c’est l’asado. L’équivalent de notre barbecue, mais avec des quantités de viande hallucinantes. On n’est pas pour rien au pays de la pampa et des troupeaux immenses. Et ici l’asado, c’est toute l’année, hiver comme été et le soir comme à midi. La viande est très salée (trop, c’est l’énorme péché mignon des argentins), et très cuite, parce que les bovins ne sont pas traités aux antibiotiques comme en France. Il faut oublier le steak tartare, ça n’existe pas, et c’est sûrement mieux comme ça, ce serait dangereux. Mais on se fait à cette viande très cuite et salée, la qualité est là pour compenser.
En bref, convivialité et bonne bouffe rendent le pays agréable à vivre au quotidien. Et pourtant on ne peut pas dire que tout roule bien, loin de là … Rapide aperçu des lourdeurs et archaïsmes qui plombent un pays au potentiel énorme.
Toi Français qui te plains de la lourdeur de l’administration, estime-toi heureux parce que c’est bien pire ici ! Inefficacité impressionante, ultra-centralisation à Buenos Aires (malgré la superficie immense du pays), liste à rallonge de documents requis pour une procédure …
J’ai pu y goûter pour régulariser ma situation et demander le droit de résidence temporaire. Je me suis rendu un certain nombre de fois dans le fameux bureau des Migraciones, mais j’ai profité de l’expérience et des explications précieuses d’autres collègues qui l’ont fait avant moi. Parce que la réalité de la procédure est assez éloignée de la théorie, et qu’on se voit demander des papiers qui n’étaient mentionnés nulle part. C’était une situation étrange de se retrouver dans la situation de l’étranger qui demande à se faire régulariser. Bon certes je ne suis pas entré par la fenêtre, j’ai obtenu un visa touriste. Mais j’ai commencé à travailler sans en avoir le droit. Donc illégal quand même, mais ici c’est assez classique et on ne s’inquiète pas, le risque de se faire contrôler et expulser est à peu près nul. Pas de comparaison possible avec la situation des étrangers en France.
Je me suis donc retrouvé à attendre mon tour pendant une à deux heures, dès 7h du matin, avec de nombreux boliviens (la frontière n’est pas très loin) venus chercher meilleure fortune malgré leur fréquent analphabétisme, leur pauvreté évidente, et leur air de tomber dans un monde plus moderne qu’ils maîtrisent mal. Entre la mama qui sort d’un air las son gant de toilette géant pour faire têter son fils de 3 ans au moins, perché sur les doigts de pied, et le brave homme qui regarde d’un air incrédule et perdu le fonctionnaire argentin lui expliquer que le document présenté n’a rien à voir avec celui requis, la salle d’attente m’offrait un « spectacle » (si je puis dire) qui fait un peu pitié. Les fonctionnaires ont l’air habitués et restent calmes et patients la plupart du temps, mais c’est le calme blasé de celui qui attend la fin de la journée (à 13h dans leur cas …) pour rentrer chez lui et oublier la misère du monde, enfin du pays voisin. Il est arrivé qu’une des fonctionnaires, une plus dure que la moyenne, tape sur la tête d’un bolivien avec un dossier, d’énervement parce que celui-ci ne comprenait pas ce qu’on lui demandait. Celle-là même qui a joué avec mes nerfs en me demandant des documents inattendus, et avec ceux de mes collègues, parce qu’elle avait eu un accroc avec notre patron auparavant. Dans ce cas, il n’y a pas 36 stratégies, il faut être humble, accepter que le fonctionnaire ait tout pouvoir sur son sort, voire jouer les gentils idiots.
Enfin j’ai eu mes papiers et mon droit de travailler assez facilement, alors que de nombreux français à Salta travaillent avec un simple visa touriste, qu’ils renouvellent tous les 3 mois en allant passer une journée en Bolivie. Cet abus d’entrées/sorties tous les 3 mois rendrait les douaniers plus tatillons depuis quelque temps, certains tremblent. Je savoure ma chance …
Même les banques se comportent comme des administrations, dans leur mentalité et leur rapport au client. Client qu’elles donnent l’impression de pousser à aller voir ailleurs en surfacturant des opérations qui me paraissent banales. Lorsque l’on veut travailler bien et efficacement, en utilisant les moyens de paiement modernes, on rencontre plus d’obstacles et l’on paie plus de commissions. Le matin, la rue España est noire de monde, parce que c’est la rue où se concentrent toutes les banques. On y voit des files impressionnantes sur le trottoir, parce que la majorité des salteños a l’habitude de se déplacer pour effectuer toutes sortes de transactions, mais pas seulement financières. Ils paient leur électricité, leur gaz, différentes petites choses. L’automatisation, connaissent pas ! Enfin pour la plupart.
Ici c’est le règne de l’argent liquide, et par conséquence du travail au black, quasi-institutionnalisé. Pour l’anecdote un contrat de travail doit être signé devant un notaire, lequel va demander le plus sérieusement du monde à l’employeur si le contrat est blanco ou negro, ou partiellement negro. Et sans avoir la sensation de faire quelque chose illégal …
Dois-je parler de la corruption de la classe politique ? Non, tu vas croire que je n’aime pas ce pays …
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